Céleste Fantaisie
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Forum RPG de fantasy médiévale
 
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L'avenir des peuples dépendra des peuples.
Le Peuple de l'Avenir, lui, dépendra de l'Avenir...
[Louise Abraham]

Par les Chutes ! Quand il fallait gagner une bataille,
l’Histoire ne retenait pas l’honneur.
L'Histoire retenait le vainqueur.

[Adriano Di Marechialo]

L'amer est l'écume du souvenir.
[Camiy Saint-Syr]

Ils me reprochent d’abuser de la crédulité des gens.
Pourtant, mon métier est semblable à celui du berger:
j’élève des moutons dans le but de les tondre…
[Ometeotl Jahar]

Il vaut mieux se retrouver devant des Orcs en colère plutôt que devant des nobles
et des politiciens.
Quand un Orc veut te tuer, il le fait savoir clairement
et, généralement, sous tes yeux.
[Barry Toothpick]

Miséricordieux, j’avalerai vos supplications, délices de ma victoire !
[Rubis Solime De Babaux]


Le proverbe "Il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud" marche aussi avec les elfes...
[Walgrim Grindal]

Litanie de larmes, symphonie en pleurs majeurs.
Rater une mesure, repartir à zéro. Mélodie funeste.
Danse macabre, l’effleurer et puis s’en retourner pleurer.
Seul.
[Sheren]

Il suffit d’un seul regard
entre deux coups de hache et quelques têtes coupées
pour que leurs destins soient scellés à jamais.
[Kalea Grindal]

Ma soif de vengeance s’est tue dans un murmure :

Le silence…
[Cronose]

Le pire n'est pas de mourir, mais d'être oublié.

[Erwan D. Layde]

Il n'existe ni de mauvais, ni de bon,
Seulement des divergences d'opinion.
[Isarus]

La maîtrise d'une épée doit être apprise, exercée et maitrisée. Le jeune apprenti du forgeron ne commence pas
par forger une belle épée
pour le prince. L'apprentie tapissière ne tisse pas le tapis préféré de la reine
avec ses premiers fuseaux.
Ainsi, le rhéteur fait ses premiers discours à son miroir et le soldat se bat d'abord
contre un mannequin, et non contre son ennemi mortel.

[Maël Theirmall]

L'Harmonie passe aussi par la Diversité,
tel le ciel embrasé d'une soirée d'été.
[Laranith]

Un par un, il traîna les corps jusqu’à la falaise et les jeta à la mer afin de leur offrir une sépulture rapide...

Et afin de libérer la clairière de ces putrides émanations. La nature n’avait pas à contempler la folie des hommes.
Elle n’avait pas à supporter la barbarie des êtres qu’elle avait un jour engendré...
[Trucid]
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 Aux frontières de l'agonie.

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Mélinée

Mélinée


Messages : 4
Date d'inscription : 19/03/2012

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MessageSujet: Aux frontières de l'agonie.   Aux frontières de l'agonie. Icon_minitimeMer 19 Sep - 15:09


Dame Sorobe

Idylis, quelques jours auparavant.

    « J’ai prié les dieux les plus obscures de me donner un fils. Un homme qui aurait tôt fait de rendre les coups qu’on lui aurait asséné. Un homme à l’abri de ce qu’on peut faire subir à une femme en la dominant par la force physique, un homme à l’abri de ce que peut subir une femme trahie par son propre corps. Et les dieux jamais ne m’ont entendue, m’ont-ils seulement écoutée ? Non contente de donner naissance à une fille, j’ai dû la voir souillée et agonisante, mais le pire l’attend encore. Voilà que la chair de ma chair pourrie peu à peu. Depuis sa matrice qui enfle de jour en jour sous la pression d’un monstre hideux, et bientôt jusqu’à son âme, pas une parcelle de son pauvre corps ne sera épargnée, pas une parcelle de sa personne n’en ressortira indemne. Son corps sera bientôt gagner par les ténèbres et son âme scindée entre le jour et la nuit dans un combat contre elle-même qui aboutira à la création d’une entité haineuse assoiffée de sang qui engendrera le chaos et la mort derrière elle. Je prie pour ces dieux qui ont laissé se faire de telles abominations. Je prie pour ces dieux, ô je prie, je prie pour qu’elle ait pitié d’eux. Car s’ils existent encore, ce n’est maintenant plus qu’une question de temps.

    _ Dame Sorobe, le choc vous fait perdre la raison ! Ecoutez-vous, bon sang ! Notre Mélinée est malade et, je vous l’accorde, n’en sera jamais soignée, cela dit, elle est loin d’être devenue une bête assoiffée de sang qui tuerait par vengeance, voyons ! L’avez-vous seulement vue ? Un petit bout de femme haut de cinq pieds et demi, avec votre carrure délicate ? Vous devriez aller vous reposer, cela vous clarifiera l’esprit. » dit-il en lui pressant délicatement l’épaule. Dame Sorobe repoussa sa main sèchement en lui lançant un regard noir. Tout ceci, c’était de sa faute ! Sir Maliatus Sorobe avait choisi de marier sa fille – sa fille à elle, son enfant ! – à ce misérable maraud qu’incarnait De Lennoys ! Maudit soient-ils, tous les deux ! Elle se précipita dans la pièce qui jouxtait la chambre à coucher et s’y enferma. Il n’y avait que cette salle où elle tenait les comptes de la propriété dans un grand cahier où elle souhaitait être, et pour cause : c’était la seule salle dont elle possédait la clef. Nulle autre personne, pas même Méliatus, ne pouvait s’y introduire sans son accord, car il n’y avait qu’un unique jeu. Elle se sentait impuissante, impuissante et seule. C’était elle qui allait se transformer en créature haineuse et destructrice, folle de douleur qu’elle était. Elle aurait voulu réduire le monde à feu et à sang. Et toutes les nuits, elle faisait ce même rêve, oui, elle rêvait de trouver celui qui avait tué sa petite fille et elle lui faisait dévorer ses propres tripes. S’il avait pu renaître à chaque mort elle se serait plu à passer le restant de ses jours à le tuer sans relâche. Une mort, c’était bien trop peu, bien trop peu. Que n’avait-on pas châtié son gendre cupide plutôt que sa femme innocente ? Les repères moraux tombaient, effrités par la réalité. Justice, honneur, équité. Rien que des mots, des mots qui n’étaient que par ceux qui voulaient bien les faire exister. Des mots, qui n’étaient rien de plus que des mots pour qui se désintéressaient d’eux. Des mots qui n’avaient plus de sens pour ceux qui devaient payer le prix de ces désintérêts.

    Elle sentit ses genoux faiblir et se raccrocha au rebord du bureau. La chute fut amortie mais pas évitée. Ainsi qu’on soit juste ou bon, cela n’avait aucune espèce d’importance. Il suffisait que quelque individu décide de détruire votre monde et rien de tout ce que vous avez pu construire ne saura y survivre. Il suffisait d’un seul être, un seul, une seule mauvaise intention, contre toute une vie de prouesses morales, et tout volait en éclat. Avait-ce alors un sens de continuer à être bon, à être juste ? N’était-ce pas du masochisme que de refuser d’être heureux si cela nuit au bien-être des autres quand ces derniers n’hésitent pas à vous déposséder de tout par simple envie ? Son époux tambourinait à la porte en essayant de la raisonner, mais en vain, Dame Sorobe n’entendait pas. Dame Sorobe ne voulait plus entendre. Elle ne voulait plus rien du tout.
    Lorsqu’elle revint à elle, elle était toujours dans la même position. Elle n’aurait su dire combien de temps elle était restée ainsi, mais elle y était restée suffisamment longtemps pour que ses articulations et son dos lui soient douloureux. Sans qu’elle ne s’en soit rendue compte, les larmes avaient dû couler à flots, car ses yeux lui semblaient gonflés et fatigués, et les sillons de sel laissés sur ses joues avaient asséchés sa peau. Plus personne ne frappait contre la porte, et les ténèbres qui flottaient dans la pièce laissaient deviner l’heure tardive. Elle se redressa, lentement. Que devait-elle faire à présent ? Quel était son rôle, quel but avait-elle ? En avait-elle seulement un ? Sur une étagère de la bibliothèque, elle récupéra une boîte d’allumettes et en craqua une. Que pouvait-elle faire d’autre ? La vie était si fragile, si vite consumée. Peu importe le corps, le feu de la haine les prenait tous. Elle laissa la flamme danser devant ses yeux. Mais il y avait peut-être encore un espoir. Peut-être que tout n’était pas encore réduit en cendre. Peut-être qu’au milieu de ces cendres quelque chose avait survécu. Peut-être que ce tas de cendre allait être le terreau d’une nouvelle pousse. Peut-être. D’un souffle, elle éteignit la flamme, et une légère fumée s’éleva, spectre d’un espoir mourant. Peut-être pas.

    Elle fit tourner la clef dans la serrure et l'ouvrit doucement. Le manoir entier était silencieux, et tant mieux pour elle. Elle ne tenait ni à être vue dans cet état, ni à voir qui que ce fût. Elle traversa les pièces, gravit les étages jusqu'à la chambre Zoreh. Sa génitrice étant morte en couche, elle avait toujours considéré la vieille dame comme sa mère et pour cause, elle avait été sa nourrice, sa guérisseuse, sa sage-femme et la nourrice de sa fille. Son grand âge n'avait altéré ni son esprit, ni son dynamisme, et ses conseils avaient toujours été des plus avisés. Dame Sorobe hésita pourtant un instant la main à quelques centimètres de la porte. A cette heure-ci, il n'était pas très convenable de réveiller une vieille femme.

    « Je suis peut-être vieille, mais je ne suis pas encore sourde, tu vas l'ouvrir cette porte, dis ?fit une voix indignée de l'autre côté. Elle chassa l'étonnement de son visage et actionna la poignée, mais il n'y avait personne dans la chambre, le lit n'avait pas été défait, et il y faisait noir.

    _ Je...

    _ Oui, oui, tu te rends bien compte de l'heure qu'il est ? Et jeune sotte, crois-tu que je dors, et quand bien même, que je m'offenserait d'une telle attitude alors que ta fille est au plus mal ?

    _ Je...

    _ Et arrête de me parler depuis cette pièce, je suis de l'autre côté ! »

    L'air bête, elle s'avança dans la chambre puis franchit une porte qui donnait sur une pièce annexe où l'on avait installé sa fille. Ou ce qu'il en restait... La vieille femme s'affairait à nettoyer les plaies, rafraîchir les bandages, soulager la pauvre enfant.

    « Elle ne peut rester, elle n'est pas en sécurité ici... Nous devons la mettre à l'abri de...

    _ De eux. Eux tous. Ca va être dur, tu sais, mon petit. » Zoreh tourna ses grands yeux délavés vers elle, la mine grave. Mais elle n'ajouta rien. Qu'y avait-il à ajouter ? Elle poursuivit ses soins en silence, puis une fois qu'elle eût terminé, elle la regarda à nouveau. « Je nettoie, je lave son corps, je le soigne. Mais je ne saurais réparer les dégâts de l'intérieur. A l'intérieur, elle est déjà morte, la petite fille que tu as mis au monde. Elle ne sera plus jamais une femme. »

    Plus jamais une femme. Et si l'on ne faisait rien, elle n'allait être plus qu'une bête. Une bête dont la peau serait mis à prix par ceux qui jusque-là l'avaient toujours aimée, ou respectée pour la personne douce et aimable qu'elle avait été. Ici, ce n'était plus chez elle, ici, elle n'était plus en sécurité.

    « Je vais l'y emmener.

    _ Où ça ?

    _ A l'abri de eux, de eux tous.»



    Mélinée

    Plage de rocs, ici et maintenant.

    Qu’est-ce que l’existence ? Aucune personne vivante ne saurait le dire. Ce n’est que lorsqu’on cesse d’exister que l’on peut définir un état qui ne nous appartient plus. Seulement les morts ne parlent pas, ne pensent pas, ne sont pas. Du moins c’est ce que j’ai toujours cru, au fond de moi. Que la mort nous épargnait cette douleur infâme que la vérité. La vérité c’est que lorsque l’on n’existe plus, rien ne change. Le monde entier reste indifférent à votre absence, et tous les jours le soleil se lève, dans un premier temps, on vous pleure. Parfois non. Puis on vous oublie. Le soleil se lève tous les jours sur un monde bien vivant, mais vous n’y voyait qu’un ciel noir au-dessus d’un tas de cendre. Qu’ils en fussent conscients, et les morts deviendraient fous de rage, comment réagir autrement ? Comment réagir autrement, quand vous seul savez ce que vous avez perdu, quand personne ne s’en soucie, quand personne n’existe pour vous comprendre. Des milliers d’âmes sans corps, qui ne se voient, ni ne s’entendent, des milliers d’âmes dans une solitude sans nom. Et juste là, invisible aux morts comme aux vivants, moi. Perdue dans les remous d’un fleuve qui m’engloutit toujours plus chaque jour, je sais ce que c’est de perdre son existence. Entre la rive du néant et celle du tourment, laquelle est un moindre mal, je vous le demande. Gardez-vous de m’appeler miraculée, car maintenant que je sais ce qu’est ne plus être, je ne serai plus jamais de la même façon. Le courant me rejette sur les terres des vivants, comme une hybride, ni assez morte pour l’être, ni assez vivante pour y survivre sainement.

    A chaque nouveau remous, l’eau lui léchait doucement le menton. La marée se retirant, au bout de quelques temps, ce n’était plus que ses cuisses que les vagues caressaient. Eût-il été dégagé, le ciel n’aurait eu aucun remord à en finir avec le demi cadavre qui gisait sur la plage, encore un sale boulot que personne n’avait jugé bon terminer correctement. Mais pour l’heure, les rayons qui filtraient au travers des épais cumulus étaient bien loin d’achever quiconque, on aurait même plutôt dit qu’une tempête venait tout juste de se terminer.Quand un rouleau plus vaillant que ses prédécesseurs l’immergea entièrement l’espace de quelques secondes, ce fut, pour ainsi dire, la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Son corps se convulsa violemment pour chasser l’eau salée de ses poumons, puis de son estomac… Puis de son estomac encore et encore, jusqu’à ce que les spasmes en deviennent douloureux et qu’elle n’ait même plus de bile à rendre. Outre la douleur de ses chaires meurtries, la faim commençait à la tordre de l’intérieur. Comme elle prenait conscience de la réalité, elle remarqua le sol jonché de galet d’où jaillissait par endroit des rochers menaçants qui interdisait à toute embarcation de s’approcher trop près. Seulement voilà, force était de constater que, d’une manière ou d’une autre, on n’avait pas tenu compte de cet avertissement, à en croire les copeaux de bois et de planches qui avaient échoués avec elle. Un peu plus loin, elle vit une forme ratatinée qu’elle ne distingua pas tout de suite. Mais ces cheveux blancs, et ces yeux délavés, elle ne les connaissait que trop bien… Elle fut prise d’un nouveau haut-le-cœur. Zoreh… Que n’était-elle restée au manoir, elle qui n’avait jamais aimé la mer ! Pour quelle raison les avait-on envoyées sur cette embarcation ? Seules qui plus était ? Elle s’appuya sur un roc pour pallier la faiblesse de ses jambes et eut un regard circulaire. Si quelqu’un d’autre les avait accompagnées, soit il avait atterri plus loin, soit la mer ne l’avait pas rendu. Quoi qu’il en fût, une chose était sûre, elle avait peu de chance de survivre à cette nuit étant donné son état de santé et son équipement…
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Mélinée

Mélinée


Messages : 4
Date d'inscription : 19/03/2012

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MessageSujet: La Renaissance.   Aux frontières de l'agonie. Icon_minitimeMar 19 Fév - 13:44

Aux frontières de l'agonie. The_Legend_Of_White_Wolf_Background

    Son équipement ? Son absence d’équipement. Une robe de toile déchirée. Les muscles trop peu sollicités pendant son coma, engourdis, affaiblis, inutilisables. Au point que, de quelque mouvement qu’il s’agisse, aussi infime fût-il, elle avait l’impression d’être à bout de force, à bout de tout. Elle aurait voulu dormir, dormir encore, ne plus sentir la faiblesse peser ainsi sur tout son corps. Elle crèverait ici, sur la plage, avec ce coucher de soleil grisonnant. Romantique, tragique. Romantique. Ridicule. Un rire teinté d’amertume et de folie.

    « Regarde-moi ! Je veux que tu n’oublies jamais. » Il agrippe ses longs cheveux emmêlés et la force à relever la tête vers lui. Elle voit son visage. Inhumain le sourire, des crocs surdimensionnés, comme s’il était à demi transformé. Cheveux noirs parsemés de gris jusque dans sa barbe, jusque dans ses sourcils froncés, broussailleux féroces. Dans ses yeux, ces yeux de démon assoiffé au regard abyssal, une pupille en lame de couteau dans laquelle le reflet partiel de son visage lui faisait face, terrifié, ensanglanté. Il dit qu’il est venu tout spécialement pour elle, que sa peau serait le support idéal pour faire passer le message à De Lennoys. Il ricane et elle, elle ne comprend rien, elle ne comprend rien, de quoi parle-t-il ? Elle sent sa détresse couler en larmes. « Que crois-tu qu’il te fera quand il saura que tu es devenue une chienne, comme les loups qu’il chasse pour protéger son petit troupeau d’humain, protéger ? Traquer des lycans en territoire libre, huh ? Je viens clarifier vos lacunes sur la hiérarchie de la chaîne alimentaire. »

    Bâtard d’Odilon De Lennoys, bâtard ! Trompée, trahie. De Lennoys Senior s’en serait retourné dans sa tombe s’il était mort. Grâce aux Dieux, il ne l’était pas encore sans quoi son fils se serait vu hériter du titre de seigneur et n’aurait plus eu besoin de se cacher. Tant de nuits blanches à désespérer de ses infidélités quand pire encore étaient ses actes. C’est lui qui l’a menée à sa perte, à leur perte, leur perte à tous, avec ses idéologies archaïques. Elle s’était mariée avec ce bâtard. Elle portait son enfant. Le portait-elle toujours ? Elle espérait que oui, elle espérait que non, elle n’espérait plus rien. Rien. Tout n’avait été que mensonges et illusions. Elle qui croyait tout avoir, elle n’avait jamais rien eu finalement, rien.

    Dans sa somnolence, la nuit tombait et avec elle bien d’autres choses… Quelle faim, mais quelle faim que celle qui la tordait. La vie bourgeoise ne lui avait jamais fait ressentir ça. Il semblait qu’en elle une mutinerie se soit fomentée au sein de son estomac, son estomac seulement, non, au sein de ses tripes, comme s’ils se divisaient. Comme s’ils se déformaient. Dans ses veines, l'acide avait remplacé le sang, la bouffait de l'intérieur. Sous la peau les os se brisaient, se ressoudaient. La panique et la douleur l'écrasèrent subitement, elle hurlait de toute son âme, se mit à planter ses ongles dans ses vêtements, ses ongles devenus griffes acérées en firent des lambeau lacérant son épiderme. Elle devait voir, voir ce qui lui broyait l'abdomen, une telle douleur avait forcément des traces visibles. Mais rien que les plaies qu'elle venait de s'infliger inondées de sang et sa peau pâle qui... qui se couvrait d'une épaisse fourrure blanche alors que ses mains étaient devenues d'énormes pattes. Ce qui restait de tissus sur elle, elle s'en dégagea d'un bond. Les pattes blanches tachetées de son propres sang. L'odeur de son sang. L'odeur de la mer, du sel, l'odeur minérale des roches qui s'effritent, de la nuit, de la liberté.

    L'odeur de la liberté. Comme si le voile qui cachait le jour toute ma vie durant venait de tomber. Un sentiment d'avoir retrouvé quelque chose perdu depuis la nuit des temps, et dont mes aïeuls avaient fait le deuil depuis des centaines de générations. Et là, maintenant, je veux hurler au monde mon retour, qu'ils sachent tous, je suis revenue. Au plus profond de ma poitrine, dans mon coeur, une ébullition magnifique qui s'amplifie en remontant à la surface pour jaillir entre mes crocs ; un hurlement impérieux, le vagissement de la nuit immiscée dans mon âme, le gémissement du reste de l'humanité en moi à son agonie. J'ai le sentiment de toujours n'avoir vécu qu'à moitié. Je suis désormais, et j'ai faim de vie, et j'ai soif de sang.

    Ca lui était venue comme ça ; elle voulait courir, elle voulait courir, elle devait courir, qu'importait la douleur et la fatigue. Alors elle avait bondi de rocher en rocher, jusqu'à grimper la falaise, s'enfoncer dans les bois. Dans sa course, les informations provenant de ses sens exacerbés la noyaient sous un flux qu'elle avait du mal à assimiler. Quand soudain, quelque chose. Quelque chose qui vit, juste devant elle. Une biche. L'énorme loup à la fourrure ivoire s'élança à sa poursuite et n'eut aucun mal à la rattraper. Une proie facile pour calmer l'appétit qui la tordait. La puissante mâchoire se referma en un craquement mortel sur l'encolure. Le sang chaud collecté directement à la source l'étonna par sa saveur si différente d'autres fois, en d'autres temps où elle avait eu l'occasion d'y goûter avec plus de dégoût qu'autre chose. Cette-fois-ci, le goût authentique lui était accessible, et d'une saveur sans pareil. Quand la source se tarit, elle s'activa instinctivement à éventrer la dépouille pour fourrer son museau dans les tripes fumantes par cette nuit fraîches, à la recherche d'organes qui lui semblaient de choix. Bien que sérieusement affaiblie quelques heures auparavant, sa transformation lui avait fait l'effet d'un coup de fouet et lui avait permise de déployer des forces qu'aucun être humain n'aurait pu solliciter. Tout en étant consciente de la chance qu'elle avait de se trouver dans une zone un tant soi peu peuplée de faune, cette biche tombait vraiment à point nommé. Il ne s'agissait là pas seulement d'une faim de loup, ce qui en soi était le cas se dit-elle amusée, mais elle espérait aussi se remettre de ses blessures qui, si elles avaient pu être ignorées pour cet élan enthousiaste se faisait à nouveau plus présentes. Des centaines de questions la tourmentaient et troublaient la tranquillité de son repas. Elle se mit à s'acharner sur la viande, comme si elle y trouverait des réponses. Comment en était-elle arrivée là, qu'était-elle au juste ? Est-ce qu'elle rêvait, tout cela était-il réel ? Etait-elle juste folle ? Avait-elle été ensorcelée ? Ensorcelée par ce monstre qui l'avait ravagée ? Qu'était-elle ? Un loup ? un loup-garou, comme lui ? On ne pouvait pas devenir loup-garou, c'est ce qu'elle avait toujours su. On naissait lycan, ou on ne le naissait pas. Ses parents étaient-ils lycans eux-aussi ? Elle aurait pensé l'avoir su ou remarqué d'une manière ou d'une autre. Jamais elle n'avait vraiment entendu parlé de ce genre de transformation. Redeviendrait-elle humaine ? Espérons que non, elle ne tenait pas à se retrouver sans défense dans ce coin inconnu, faible et sans défense et enchaînée à deux pattes. Elle aurait voulu rester ainsi toute sa vie, peut-être le pourrait-elle ? Et d'ailleurs, où était-elle ?

    Un bruit vint l'interrompre à mi-chemin du festin. Elle dégagea sa truffe ensanglantée, oreilles aux aguets. Une autre proie à désosser ? Son regard devint brillant. Elle était loin d'être rassasiée. Pourtant ses oreilles se plaquèrent quand elle perçut une odeur différente, quelque chose qui n'allait pas forcément être mangeable semblait-il. Le loup blanc fit un pas en arrière grondant, babines retroussées...
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