Céleste Fantaisie
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Forum RPG de fantasy médiévale
 
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L'avenir des peuples dépendra des peuples.
Le Peuple de l'Avenir, lui, dépendra de l'Avenir...
[Louise Abraham]

Par les Chutes ! Quand il fallait gagner une bataille,
l’Histoire ne retenait pas l’honneur.
L'Histoire retenait le vainqueur.

[Adriano Di Marechialo]

L'amer est l'écume du souvenir.
[Camiy Saint-Syr]

Ils me reprochent d’abuser de la crédulité des gens.
Pourtant, mon métier est semblable à celui du berger:
j’élève des moutons dans le but de les tondre…
[Ometeotl Jahar]

Il vaut mieux se retrouver devant des Orcs en colère plutôt que devant des nobles
et des politiciens.
Quand un Orc veut te tuer, il le fait savoir clairement
et, généralement, sous tes yeux.
[Barry Toothpick]

Miséricordieux, j’avalerai vos supplications, délices de ma victoire !
[Rubis Solime De Babaux]


Le proverbe "Il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud" marche aussi avec les elfes...
[Walgrim Grindal]

Litanie de larmes, symphonie en pleurs majeurs.
Rater une mesure, repartir à zéro. Mélodie funeste.
Danse macabre, l’effleurer et puis s’en retourner pleurer.
Seul.
[Sheren]

Il suffit d’un seul regard
entre deux coups de hache et quelques têtes coupées
pour que leurs destins soient scellés à jamais.
[Kalea Grindal]

Ma soif de vengeance s’est tue dans un murmure :

Le silence…
[Cronose]

Le pire n'est pas de mourir, mais d'être oublié.

[Erwan D. Layde]

Il n'existe ni de mauvais, ni de bon,
Seulement des divergences d'opinion.
[Isarus]

La maîtrise d'une épée doit être apprise, exercée et maitrisée. Le jeune apprenti du forgeron ne commence pas
par forger une belle épée
pour le prince. L'apprentie tapissière ne tisse pas le tapis préféré de la reine
avec ses premiers fuseaux.
Ainsi, le rhéteur fait ses premiers discours à son miroir et le soldat se bat d'abord
contre un mannequin, et non contre son ennemi mortel.

[Maël Theirmall]

L'Harmonie passe aussi par la Diversité,
tel le ciel embrasé d'une soirée d'été.
[Laranith]

Un par un, il traîna les corps jusqu’à la falaise et les jeta à la mer afin de leur offrir une sépulture rapide...

Et afin de libérer la clairière de ces putrides émanations. La nature n’avait pas à contempler la folie des hommes.
Elle n’avait pas à supporter la barbarie des êtres qu’elle avait un jour engendré...
[Trucid]
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 Voragine, le Chant du Vide.

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2 participants
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Azalée S. Proserpina

Azalée S. Proserpina


Messages : 13
Date d'inscription : 19/04/2012

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MessageSujet: Voragine, le Chant du Vide.    Voragine, le Chant du Vide.  Icon_minitimeSam 21 Avr - 17:49

Voragine.

Faiblesse.
Magnificat, et sa douce mélodie du vide. Le vide, le gouffre béant. Voragine, dans la langue ancestrale de la famille brûlée. Brûlée. Calcinée. Douce enfant, que n'aurais-tu fais pour lui, son visage, sa voix, son goût. Le passé te poursuit, tu le sens, tu le sais. Dans ton dos, son ombre se faufile. Perfide, froide. Un murmure caverneux, guttural, qui fait trembler tes petits os. Puis, dans ta poitrine, les bras griffus et acérés se referment sur cet organe chaud et sanglant qui te permet de vivre. C'est douloureux, n'est-ce pas ? Sentir ces petites lames s'enfoncer dans la chair spongieuse. C'est douloureux, c'est écœurant. Tu ne peux pas y échapper pourtant. C'est une fatalité. La menace pèse au dessus de ta tête. Ta tête couronné, d'un cercle d'épines qui, vrillées sur tes tempes, ne tarderont pas à briser ta boîte crânienne. Pour la faire exploser, rependre le liquide à l'intérieur de ta tête, sur le sol. Peut-être que l'on pourra y lire ta folie, ton fanatisme. Ce qui te berce, ce qui te perce. Peut-être y verra t-on son visage, si beau, si horrible. Dans ta mémoire, peut-être entendra t-on les cris de ton enfance, les douleurs, les bonheurs éphémères. Ces secrets jamais avoués. Peut-être te comprendra t-on enfin. Après tant d'années à te noyer dans ces eaux noires et opaques. Tu meurs, tu meurs sans cesse. Chaque respiration te brise, te détruit. La mort sera lente, douce enfant.

Elle ne dormait pas. Non, elle ne dormait pas. Ses yeux étaient clos, oui. Son souffle était lent, son corps ne bougeait pas. Sa poitrine et son ventre se soulevaient. Lentement. Corps inerte. Pourtant, elle ne dormait pas. Allongée, ainsi, dans le noir d'une pièce inconnue. Une odeur de cire flottant dans l'air. Une bougie non loin, avait été soufflée. Elle avait ses mains, posée, jointes, sur son ventre. Il lui parlait. L'intérieur de son corps lui parlait. Lui rappelant les douleurs qu'il avait subi. Lui chantant sa souffrance. Dans son esprit, les images. Le souvenir. Son horreur. Comme chaque jours, comme chaque nuits, Son souvenir la hantait. La poursuivait. Sans relâche, sans pitié. Mais son visage était neutre. Comme éteint. Sa peau, blanche, si laiteuse, aux aspects si doux. Elle était une créature délicieuse au regard, cependant, lorsqu'elle ouvrait les yeux... La détresse venait vous démolir le dos, accaparant votre esprit. Un fardeau indéfectible, une malédiction avide. Elle était un fléau à elle-seule. Alors, durant des heures, elle restait là. Dans le noir, sans dormir, sans mourir.
Profondément enfoui dans sa tête, des silhouettes se mouvaient. Reconstruction. Elle bâtissait un souvenir. Le reformer. Pour le revivre. Détachée des sentiments. Qui pourtant, étaient toujours là. Dans sa poitrine oppressée et lacérée. Il n'y avait qu'une silhouette en réalité. Masculine. Derrière le voile noir, son visage se dessinait. Carré, doté de cette mâchoire si bien dessinée. Remontant sur des lèvres gercées, des joues creusées. Un regard atrocement vide, d'une teinte verdâtre. Comme une émeraude ternie. Il se tenait, debout, dans des vêtements noirs. Le noir, partout. La couleur du fond du monde. Alors il portait du noir. Ses manches descendaient le long de ses bras, dissimulant ses mains sous des dentelles. Sa chevelure, plus proche du brun que du noir, tirée, formant une queue de cheval, laissant pourtant quelques mèches tomber sur son visage sculpté dans le marbre. Il avançait, lentement, au milieu de nulle part. Ses pensées avaient un écho, dans les propres songes de celle qui rêvait à lui. Lui. Il avait un nom, bien sûr. Magnificat. Elle savait tout sur lui. Il avançait, apôtre, somptueux prophète de la Faiblesse. Il était faible. Magnifiquement faible. Son cœur était sensible, son esprit, instable. Les larmes coulaient bien trop souvent de ses yeux délavés. Magnificat était le Faible. Son chant n'avait aucune consonance. Lorsque sa voix résonnait, pour chanter à la gloire du Seigneur, il n'y avait rien. Juste un son creux. Vide. Le chant du vide. Alors il avançait, inlassablement, jusqu'à atteindre une nouvelle silhouette. Celle qui les rêvait ne la représenta pas. Elle n'en avait presque pas le droit. Ainsi, Magnificat s'agenouilla devant une immense ombre au noir. Ses yeux se baissèrent sur le sol, sa bouche s'ouvrit dans un fin sourire brisé. Dans sa gorge, tout se secoua, comme par un tremblement de terre. Et sa voix retentit. Vide. Toujours vide. Tellement vide, sans mot à l'intérieur. Pourtant. L'ombre noire s'en satisfaisait. Car elle savait. Elle savait que ce vide était Lui. Que ce vide que Lui chantait, était destiné à la puissance de son ombre. A sa gloire. Éloge à un Seigneur qui n'avait plus de visage, et tant de noms proscrits... Vide.. Vide...

L’œil s'ouvre. Mais ne voit rien. Elle s'était endormie. Elle avait rêvé. Rêvé à lui, à eux. Comme toujours. Leurs images, leurs chants, leurs odeurs tournoyaient dans sa tête. Il faisait noir. Elle avait peur de ce noir dans lequel elle se complaisait pourtant juste avant de sombrer. Dans ce sommeil profond et lourd. Une chute qui se finit par cet atterrissage brutal. Ses mains tâtonnèrent dans l'obscurité, pour retrouver la bougie qu'elle avait soufflé. Ainsi que le petit sortilège qui permettait de faire naître des flammes aux creux du petit artefact. La pièce s'éclaira légèrement, par la lueur faible de la bougie agonisante. Ses yeux s'habituèrent peu à peu. Elle discernait des formes familières. Une petite statuette grossièrement sculptée dans une pierre qui ressemblait à du verre, un vieux chapelet faits de perles noires, qu'elle avait elle-même conçu. Ce gris-gris, près de la dague de cristal, de la trace de sang. Elle tendit le bras, toujours allongée au sol, pour saisir le chapelet. Sa paume se referma sur le bijou, tandis que son poignet meurtri apparaissait. Le sang avait coulé sur sa peau. Prière vaine, encore. Inlassable pourtant, elle continuerait jusqu'à ce qu'il réponde. Il le ferait un jour. Lui, il avait dit qu'ils étaient élus. Alors il viendrait. Un jour, il répondrait.
De longues minutes s'écoulèrent, elle restait ainsi. Sa prise sur le bijoux se relâchant petit à petit, que la fatigue reprenait possession de son corps. Mais un bruit la fit sursauter. Un bruit singulier. Celui d'une porte, une vieille porte, qui s'ouvre. Sa peau frémit, se hérissa. Il faisait noir, hormis autour de la bougie. Elle ne voyait rien. Mais quelqu'un était là. Quelqu'un venait d'ouvrir la porte. Peut-être que c'était lui. Peut-être que finalement, il était venu. Pitié, au nom des douze ombres qui le suivent, faîtes que ce soit lui. Faîtes que Magnificat que j'ai prié l'ait appelé près de moi. D'un effort considérable, et d'une voix faible, qu'elle ressemblait à un murmure forcé, elle essaya de supplier, elle essaya de prononcer cette prière, cette supplique.. Mais seuls quelques mots sortirent de sa gorge brûlante, qui depuis quelques jours, la tourmentait de son feu ardent.


- Mon Seigneur..... Sauve-moi.... Ce Mal.. Me dévore... Qui écrase...... Ronge mon cœur.....

Abandon. Elle n'y arrivait plus. Magnificat n'était pas celui qu'il fallait prier quand la fatigue et la brûlure rongeait le corps. Il était la Faiblesse.. Il aurait fallu appeler la Force. Sabbaoth. Mais elle avait mal, elle avait peur. Son esprit n'était plus capable d'appeler, de réfléchir, uniquement de pleurer. Pleurer l'angoisse qui grondait au fond de son ventre. Mais elle se releva, doucement, rapprochant son cœur endolori de la bougie. Serrant le chapelet dans sa main, et prenant la dague de l'autre. Si le chagrin fondait son être, en elle sommeillait toujours le courage. L'envie de vivre pour souffrir et finir par mourir. Douce enfant que tu es Azalée, tu pourrais t'abandonner. Non, elle ne le ferait pas. Pas tant qu'elle ne l'aurait pas retrouvé. Qu'il n'aurait pas répondu à ses prières.
Encore, dans l'effort et la peur, elle ramena ses jambes sous son corps pour s'agenouiller et peut-être trouver la force de se relever entièrement. Il n'y avait plus de bruit. Mais la porte était ouverte, donnant sur une autre pièce sombre. Un courant d'air venait effleurer son visage. Infime, un autre souffle se mêlait au sien. Il y avait bien quelqu'un. Une personne qui n'avait pas fais un geste, ni prononcé le moindre mot. Mais qui était bien là. Lentement, toujours, elle poussa sur ses genoux et se mit debout. La main au chapelet, contre son ventre, l'autre le long de son corps, serrant plus que de raison, la dague de cristal noir, qui gouttait encore de son propre sang.


- Je sais que... Je ne suis pas seule..

Ses mots hésitaient toujours. Mais désormais, sa voix rauque et douce à la fois sonnait distinctement. On l'entendait. La personne, l'ombre en face l'entendrait. La bougie était toujours au sol. On ne voyait d'Azalée que sa silhouette noire, sa robe glissant au sol. Ses cheveux, avant, si bien coiffés, étaient maintenant emmêlés, bouclés, et tombaient sur son visage et dans sa nuque. Elle était presque effrayante. Sa paleur ressortant légèrement dans l'obscurité totale. Sa gorge la brûlait. Elle sentait la boule d'épines et de feu se former. Peu importait. Debout, refoulant les spasmes et les tremblements, elle attendait. Ses ongles se plantant dans la chair de sa paume.
Sème, saigne, tout se réveille...

Post-scriptum.:


Dernière édition par Azalée S. Proserpina le Ven 4 Mai - 15:24, édité 1 fois
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Camelle Elwhang

Camelle Elwhang


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MessageSujet: Re: Voragine, le Chant du Vide.    Voragine, le Chant du Vide.  Icon_minitimeJeu 3 Mai - 22:41

<blockquote>
Son indécis. Danse silencieuse. Transe hypnotique, puis carnage complet. Douce chaleur, pourquoi m’as-tu abandonné ? Les reflets dorés de l’Astre s’inclinant devant Dame Lune sur le fleuve Lagrima faisait apparaitre toute la beauté somptueuse du décor anéantit. Là, sur ses bords calme dansaient des corps et des mots, des chants et des danses. Mais rien ne parvenait plus à mes oreilles. Dans la clapotis mélancolique de l’eau, deux êtres entraient dans une danse impétueuse, violente et pourtant si belle. Des yeux chastes se seraient retournés, pas moi. Pas les miens. Je restais là, sur ma colline clairsemé de grands arbres à les observer, à les envier. Et plus les corps se touchaient, se frôlaient plus je pensais. Ma rage s’était éteinte. Dans un souffle, le Vide. Est-ce ça, la solitude ? La Danse du Vide. Seule et bien seule. Je levais les yeux vers le Grand Couchant, implorant son pardon. Absous moi de mes pêchés. Libère moi. Toi qui m’a enfanté, détruis-moi. J’avais mal. Non, j’avais pas mal comme d’habitude, non. Ce mal là, il était plus douloureux encore. Plus puissant. Plus profond. Une Chose qui me rongeait, me mutilait de l’intérieur. Tremblement. Une larme roulait sans merci sur ma joue salit par le temps, salit par les gens. Tu ne me sauveras donc pas ? Tu ne m’aideras pas ? Aucune réponse. Mutisme bruyant. Et Eux, eux s’amusaient toujours. Ils s’amusaient à me faire souffrir, eux et leur Maudite danse ! Je vous déteste. Et dans la haine que j’éprouvais, une lueur. Éclatante vibration d’amour. J’aimais. J’aimais les regarder, dans leur transe, suer, s’aimer, se déchirer. J’aimais ces mouvements sauvages qui dans leur folie me rappelaient la mienne. Celle que j’avais pu partager. Celle que j’avais perdu, un jour. Celle que je ne satisfaisais plus. Monsieur…

Et sa bouche se perdait dans la contemplation muette. Il était vierge de tout expression. Son regard se perdait dans le mien, dans mon bleu si différent de son gris si pur… Ses cheveux tombait doucement dans une cascade noir sur ses épaules carrés. Il respirait assez régulièrement pour une fois, et dans le calme imperturbable de ses yeux, sous la poigne douce mais ferme des sa main sur mes poignets, je tremblais. Comme j’avais peur. Terrorisée. Je savais ce qui se passait, je savais ce qui m’arrivait. Lui, ne parlait pas. Et je savais ce qu’il voulait, ce qu’il attendait. Je pleurais, je pleurais à en avoir la gorge brulante mais lui ne bronchait pas. Il me regardait, le maintenant toujours les mains, m’empêchant quelconque mouvement. « Une leçon est une leçon, tu ne veux pas apprendre jeune fille ? ». Sa voix. Dure. Cassante. Brisée, tout simplement gisante, bloquée pour ma leçon. Je respirais fort, trop fort. Le sol froid m’empêchait de penser que je rêvais. Non, tout ça était alors bien réel. Calme-toi. L’ordre était impérieux, aucune possibilité d’y échapper. Je retenais mes sanglots comme je le pouvais. Et ses doigts fins me lâchèrent, je ne bougeais pas. Alors il commença à me raconter. A me parler, comme toujours. Je l’écoutais avec frayeur jusqu’à ce que l’acier rencontre ma peau qu’il dénudait sans tabou. Je ne peux pas bouger… Alors, je criais. J’avais mal, j’avais peur. A vrai dire, je ne pouvais l’écouter, je me débattais avec moi-même. « Si jeune, si jeune et inconsciente ». Son ton faisait froid dans le dos. Incisif. Il me forçait sans mal à me rallonger et recommencer, encore et encore. Le fluide vital s’écoulait paisiblement de mes plaies piquantes. Les plaies du Bonheur. Puis il lâchait le couteau et sa main s’aventurait où elle le pouvait d’abord, léchant mon sang comme s’il s’agissait un met de choix. Puis ses doigts, en moi. Et là commençait la vraie douleur. Je ne voulais pas danser…

Ils étaient endormis. Sages et paisibles sur le soleil couchant. Je me mordais frénétiquement la lèvre. Me verraient-ils ? M’entendraient-ils ? L’heure n’était pas aux questions. Dans la pudeur perdue, je me dévêtit, gardant un œil sur les deux jeunes gens. D’où je me trouvais, ils ne semblaient plus qu’ombres. La danse étincelante avait volé toute leurs propres clartés. Forme macchabée, danse funeste. Ils dormaient. Alors que le ciel se tintait de pourpre, mes doigts osseux glissaient vers le Froid, vers l’Acier mordant. Alors, dans un soupir long et las, je m’allongeais et fermais les yeux. Je l’imaginais. Lui. Je me rappelais de la chaine d’argent qui brillait à son cou, du froid contact de son bijoux sur ma peau frémissante. Alors, lentement commençait la purification. Absous-moi de mes pêchés… Le sang filait comme de l’eau, réchauffant mon maigre squelette. Je le voyais à présent. Il était là. Il était au dessus de moi. Et dans le bruit morbide de mon âme, son discours. La fois où j’avais eu mal pour la première fois. J’avais six ans…

Le Mal, mon enfant, fait partit intégrante de notre être. Aussi certainement que coule en toi le fluide de la Vie, il prospère, tapis au fond de ton âme, la Peur, l’Angoisse. Le Mal indélogeable. Tu me comprends ?, j’hochais la tête, C’est bien, tu es une petite fille très intelligente. Comprends tu alors que les racines inflexibles de la Chose te ronges ? Le Mal n’est pas mauvais, non, le Mal est même favorable quand on l’exploite. Il suffit d’apprendre car tu vois, Petite, tout est question d’apprentissage… Camelle, je m’appelle Camelle, chose que je n’eus jamais la force de dire. A vrai dire, tu dois te demander qui je suis. Sache que je suis ton Mal. Tu ne me nommeras pas. Tu ne m’appelleras pas. Sèche tes larmes ! Sèche les, je t’interdis de pleurer. Crois-tu que les racines prendront si tu pleures ? Si tu n’es pas favorable à l’instruction ? Maintenant, tu seras mienne. Quoi que je te demande, quoi que je t’ordonnes, tu obéiras, et, plus tard, tu me remercieras. Souviens toi bien Petite que le Mal est irascible ainsi, pour avoir sa bienveillance il faut l’épargner lui. Es-tu d’accord ? Bien, alors voici ma première leçon, il me tendit un petit couteau, ça, c’est le Mal. Je vais t’apprendre à t’en servir mais d’abord, je vais te montrer quelque chose, il m’aida à me relever et me plaça face à un miroir, tu lui ressembles… Déshabilles-toi. Ce que je ne fis pas, il le fit pour moi. Regarde toi, comme tu es belle. Si belle, si blanche, si mince… Pour apprendre ce qu’est le Mal, il faut être une femme. Une femme qui sait. Veux-tu savoir ?, gênée, un peu affolée, je bredouillais une affirmative. Alors, je ferais de toi une femme, à chaque leçon…, doucement mais fermement, il me pencha en avant et… je devins une femme dans les cris et les pleurs.

Épuisée. Essoufflée. Je transpirais à grosses gouttes  mais aucun cri ne sortaient. Une torture silencieuse et au combien plaisante. Avec Monsieur à mes côtés, il m’aurait fait crier. Mais il n’était pas là, il n’était plus là et les Danseurs se reposaient, du moins, c’était ce qu’ils faisaient la dernière fois que je les avais vus, à la tombée du jour. A présent, il faisait nuit noire, de l’encre pure où aucune nuance ne perçait. Il faisait chaud aussi. La sueur. Brulait les yeux et salissait l’herbe. Une phrase. Cette phrase qui tournait en boucle dans ma tête. « Tu lui ressembles »… A qui ? Pourquoi ? Qui était cette chose comparée et comparable ? Je ne le savais et pourtant, au plus profond de mon être, une force irrépressible m’intimais des choses. Respiration entrecoupée. Il fallait que je trouve. Elle, cette poupée de cire si souvent mis en avant. Celle qui si souvent me rabaissait. Celle qu’il aimait plus que moi. Une haine profonde nourrit par la peur de perdre Monsieur, de le voir prendre le large ou simplement, ne plus le revoir, jamais. La Peur qu’il m’avait appris à gérer, à humilier resurgissait alors, comme la pluie fine tombant sur un corps inerte, telle des millions de petits couteaux s’enfonçant dans la chair putride. Console moi ! Réanime moi… Fais de ce corps sans vie, vidé et écartelé par l’envie et l’amour un être. Une chose au cœur battant. La vie. La vie. La vie. Comme un bruissement sourd dans le corps. La vie. La vie. La vie. Un air frénétique, léger et ambigu. Crac. Plus de bruit, nous sommes morts…

Le soleil se relevait de sa décadence. Un jour de plus. Ses rayons déjà chaud brillaient joyeusement sur tout ce qui se trouvaient dans la petite plaine. L’herbe, par devant, devenait rare et par derrière, c’était une large forêt luxuriante. Je le savais, je l’avais traversé. Il faisait formidablement chaud dans ces contrées. La soif vous prenait à la gorge et serrait un étau qui jamais ne se brisait. Brisante, accablante. La sueur perlait le front des Malheureux, leur piquant les yeux. Les gouttes venaient alors se perdre sur les lèvres fatigués des marcheurs courageux. Gouttes salines, rien de plus. De l’eau qui ne fait qu’accroitre la sensation de soif. Paradoxalement, l’eau ne manquait pas, ô non, Lagrima s’écoulait paisiblement. Seulement, la pensée des gens était tout autre. « Ils ne faut pas boire » pensaient-ils. Pourquoi ? Personne ne le sait vraiment. Peut être par peur des maladie, courantes dans ces temps ci ou par simple torture. Voulaient-ils combattre la Peur au lieu de la fuir ? Non, Monsieur avait dit que le Monde était trop sot pour ça. Trop couard. Trop inutile. Pas assez puissant et noble. Maintes fois il m’avait compter entre deux souffle douloureusement brulant des histoires. Il en connaissait, des histoires. Toutes différentes, elles collaient cependant parfaitement avec ce qu’il m’apprenait. Il m’aimait, oh ça oui, il m’aimait, quand je faisais ce dont il avait envie. Il était si fier, si fier de moi… Pourtant, toujours cette phrase, comme une ritournelle sempiternelle. « Tu lui ressemble ». Non ! Je ne ressemble à personne ! Je suis femme de toi, je te suis dévoué. Ô Monsieur, prouve moi encore que tu tiens à moi. Prouve-le ! Je levais la tête vers le Maitre des cieux. Puissant et aveuglant. Puis vers les Danseurs, toujours assoupis l’un contre l’autre, leur danse les avaient tué. Je danserais moi aussi, je danserais sous le soleil, je remonterais jusqu’à Elle. Lune, Lune éblouissante, m’éclipsant des yeux de l’Astre, simple Étoile du Noir, je te retrouverais et lorsque ce sera chose faite, crois-moi, ton visage de cire se tintera d’andrinople, tant est si bien que l’Aube t’appartiendra pour toujours mais jamais plus tu n’éblouiras ta cour, plus jamais tu ne seras Nuit.

La frustration guidait mes pas. Je marchais, sans savoir où mais je connaissais le pourquoi. Je savais. Une force me le chuchotais, me l’intimait. Suivre le levant, tourner le dos au couchant. Là où l’Astre se levait, l’Autre dormait, c’était une certitude. Alors, sans écart possible, j’avançais, les pieds meurtris et la tête bouillonnante. Deux nuits et deux jours, loin des Danseurs alors endormis. Avaient-ils repris, muscles tendus et cris violents ? Ou alors, ils s’étaient séparés, ainsi va la vie. Le troisième jour était voilé. D’opulents nuage masquaient un ciel qui faisait grise-mine. Tout était toujours aussi chaud, pourtant c’était avec le cœur lourd que l’on avançait. Mâchoires et point serrés. Un temps pour la rancœur et la mélancolie. Pour la plainte des beaux jours et de l’Avenir. Avait-on peur ? Non, on marchait seulement le cœur alourdit par ce temps talé. Les troubles du ciel devenaient menaçant, tant est si bien que l’on osait à peine un regard vers. On sauf moi. J’aimais leur vision qui me poussait irréfutablement à la Source. Vers Elle qui je le savais sagement n’attendait que moi. Une impression profonde. Intuition. Le pas alerte, je suais toujours à grosses gouttes, le bruit de la rivière ne donnant qu’une seule envie, se vider de l’eau du corps. Mais je ne pouvais me résoudre à m’arrêter aussi le liquide brulant et puant coula bientôt le long de mes jambes sales. Soulagée. Soudain, ou peut être pas, une larme douce coula le long de mes cheveux tout aussi malpropres. Puis ce fut une myriade de petites gouttes. Elles ne rafraichissaient que légèrement l’air ambiant et pourtant, une fois trempée jusqu’à l’os, je tremblais de froid. Une main se porta par réflexe à ma hanche, cherchant mon petit couteau. J’étais donc aussi faible ? Trembler de froid par cette température élever ? Pourtant, même si je me dégoutais, les spasmes ne s’arrêtaient pas pour autant. Mes dents claquaient. Je pris ma tête à deux mains et frénétiquement me tirais les cheveux. Sale ! Hideuse ! Faible ! Vile créature que voilà ! N’as-tu pas honte ? Ne veux-tu pas rendre fière Monsieur ?! Si, bien sûr que si mais pas maintenant. Tout vient à point à qui sait attendre.

Et l’abris arriva plus vite que je n’osais l’espérer. A droite, cacher derrière quelques arbres éparses, un petit sentier emplit de cailloux. Ça et là, on trouvait des ronces et des orties. Rien n’était entretenu pourtant, le chemin se distinguait bien. Étrange impression qui serrait le cœur, le compressait jusqu’à l’implosion. Mais, malgré moi, je savais que je trouverais quelque chose au bout de ce petit chemin tapis entre les mauvaise herbes. Je m’y engageais sans plus réfléchir, trop transit pour penser. Les arbres me parurent alors beaucoup plus étranges. Difformes. Menace invisible et profonde. Plusieurs fois, je manquai de tomber, buttant contre une racine où m’accrochant à des ronces rampantes. Leurs épines me déchiquetaient la peau et bientôt du sang perla tout mon pied déjà horrible à la vue. Bientôt, la marche se transforma en course. Une course contre la pluie, contre les bizarreries. Contre moi-même. Les trombes d’eau commençaient à piquer la peau tant la violence redoubler. La chaleur n’en avait pas changé et mes tremblements n’avaient pas cessé. J’avais froid, du bout des pieds au sommet de mon crâne. Pourtant, dans le chaos qui me lavait, je trouvais un certain calme. Oui, un calme imposant, une profonde sérénité.  Le bruit de la pluie me berçait doucement, apaisant mon âme et ma haine. Je ne l’oubliais pas certes, mais mes pulsions étaient moins fortes, moins puissantes. Et la course redevint marche tranquille. Les Monstres Arbres étaient redevenus plantes et leur forme atypique me faisait même sourire. Il n’étaient pas beaux, certes, mais vigoureux. Qui oserait les attaquer, eux, Géants Tordus ? Qui le pourrait seulement ? Personne. Ils étaient alors les seuls maitres de leurs vies. Personne ne venait trop près, les préjugés sont tenaces. Pourtant, est-ce un mal pour eux ? Au fond, est-ce mal de se protéger derrière des rumeurs ? « Cette petite est plus contagieuse que n’importe quel animal ! ». Oh oui ! Fuyez moi, je vous déteste ! Je ne veux pas de vous. Et pourtant, j’avais tant besoin d’aide…

Puis, au bout du chemin. L’Eternité. Long chemin si court, si court et irrégulier. La pluie redoublais et le froid interne aussi. Tout tremblait. La tête, les épaules, la peau, les muscles, les os… Tout. Pourtant, malgré les spasmes non comprimés, la vision s’arrêta. Une maison. Le portail de fer trônait, tombant et rouillé, ancien Garde absolu. Si fier était-il, sa splendeur s’était évanoui entre le lierre et les intempéries. J’avançais prudemment et le sol détrempé devenait glissant, gluant de boue infecte. La maison que la Rouille couvrait était vieille. Très vielle. Le bois de la toiture était vermoulu. A certains endroits, il n’existait même plus. Le ciel se mêlait avec la pénombre de la Ruine. La porte ravagée, les carreaux brisés. J’avançais avec autant de prudence que la pluie incessante me permettait. Je pénétrais dans mon abris un peu angoissant. Comme une peur profonde, un monstre sanguinaire. A l’intérieur, pas un bruit. Seul le ploc régulier des fuites venait ruiner le silence absolu. Dans la pénombre, il était difficile de voir pourtant, on pouvait voir une grande pièce. Mes pas faisaient grincé le planché imbibé qui cédait ou avait cédé par endroit. Une odeur d’ancien, de moisis et de pourri régnait. Pourtant, c’était une infime effluve de fleur qui me saisit. Des roses. Des roses et des azalées. Une douce odeur d’antan qui n’avait maintenant plus de charme, avait perdu sa joie, morne et lascive senteur de fleurs. J’imaginais ici l’émerveillement d’une naissance, la joie d’une union, la complaisance de donner la vie puis la nostalgie de la perte. Puis la Vieille qui éteinte à son tour dans l’oubli le plus complet. Nul ne s’attend à quelconque souvenir une fois Dame Mort survenue. Mais là n’était pas la tâche qui incombait Camelle. Oui, pulsion. Irrépressible. Monter. Toujours plus haut. Toujours plus vite. Les escaliers furent engloutit dans des enjambés folles.  Le sol du haut était tout aussi incertain, cependant, il y avait dans ce petit couloir quelque chose de coquet. Le tapis était vieux, démodé et rongé mais on n’avait pas grand mal à s’imaginer sa splendeur passé, ses tons rougeoyant rehaussant les murs de bois et pierres. Les portes étaient en aussi mauvais état que les précédentes. Sauf une. Sauf une savamment close. Une main sur la porte, sans un bruit. Seule une respiration entrecoupée.

De cris lâchés dans le vide. Des cris ou des plaintes. Choses indistinctes. La voix était féminine. Légère, fluette. Belle et mélodieuse. Je regardais sans voir. La pièce était très humide et très noire. J’aimais ça. J’aimais cette atmosphère pesante et ce léger parfum… D’Azalée. Comme dans l’entrée. Une odeur de vieux, une fleur impérissable. De la transpiration se mêlant habilement à la fleur et du sang. Cette odeur de rouille puissante qui surpassait les deux autres sans nul doute. Mes yeux balayèrent la pièce vide. Vide et sombre. Jusque dans un coin, un coin plus sombre encore. Là, suffocante, le corps étendu et tremblant de la Fleur. Elle portait une robe. Une belle robe sans couleur. Seul la flaque poisseuse près de ses bras m’expliquait. Le sang coulait encore doucement, en rythme avec les plocs extérieur. Je m’approchais doucement, veillant à ne pas faire de bruit. Elle dormait. Son visage de poupée et sa poitrine qui se soulevait. Elle se purifiait elle aussi. Elle le faisait pour éloigner la Peur. Que craignait-elle ? Si jolie… Jolie poupée, poupon meurtris par la chair expie pêché, désir, envie charnelle. Rien n’existe plus, dans le royaume des songes. Puis ses yeux, ses grands yeux s’ouvrirent et cherchèrent. Qui ? Moi ? Je l’avais éveillé. Haletante, elle me hélait, me cherchais encore et toujours mais la pénombre était mon allié.


-Je sais que… je ne suis pas seule…

Non. Non elle ne l’était pas et je voulais me purifier, avec elle, dormir à ses côtés. Deux Souffrances s’élevant vers les cieux sacrés pour rejoindre le Grand. Monsieur, ô Monsieur, quel don m’avez-vous fait en m’apprenant…

-Pas seule…

</blockquote>


Dernière édition par Camelle Elwhang le Dim 20 Oct - 17:59, édité 1 fois
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Azalée S. Proserpina

Azalée S. Proserpina


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MessageSujet: Re: Voragine, le Chant du Vide.    Voragine, le Chant du Vide.  Icon_minitimeJeu 10 Mai - 14:56

Tes larmes sont vaines. Cette eau saline que tes yeux bavent ne mène à rien. Elles ne font que couler, filer sur ta peau d'albâtre puis s'échouer sur tes lèvres ou dans ton cou. Elles disparaissaient pour mieux revenir. Elles soulagent, te font du bien. Mais à quoi mènent-elles ? Tu ne peux répondre. Elles ne mènent à rien. Cesse de pleurer alors. Ce n'est pas dans les larmes que tu vas puiser ta force. Ni dans le sang que tu fais volontairement couler. Ta force réside au fond de ton ventre, au plus profond de tes entrailles que tu crois malades. Il y dort, le monstre de vie, de courage, le monstre de force. Ce n'est pas un fantôme, ma douce Azalée. Il n'est pas un fantôme. Ton monstre est bien là, simplement endormi par les années que tu as passé à le refouler. Tu ne voulais pas le laisser sortir. Pourquoi ? Il t'aurait permis de repousser celui qui t'as brisé, par le fer de l'amour. Il t'aurait permis de te défendre, de te battre pour te préserver, te laisser le temps de grandir. Mais non, ton bourreau n'a pas eu à se défendre, car tu t'es laissée faire. Tu as été faible. Tellement faible, ma douce Azalée. Regarde-toi maintenant. Tu pleures, tu saignes, en vain. Tu le sens non, que tes ongles sont en train de percer la chair de tes paumes. Mais pourquoi, pourquoi ne détends-tu pas tes mains ? Pourquoi veux-tu saigner ainsi ? Tu crois vraiment que là où Il est, Il ressent ce sang que tu fais couler ? Non, bien évidemment que non ! Tu te fatigues, tu t'épuises de façon inutile. Tu perds la raison, ton souffle de vie s'amenuise. Ne voulais-tu pas prier Sabbaoth ? Ce n'est pas en succombant aux plaisirs sanglants de Magnificat qu'il te répondra, ma douce Azalée.


– Pas seule...
Deux mots, qui sortirent du sol. Comme deux petites racines, tout juste écloses. Elles percent le sol, et retombent sur celui-ci Faibles. La faiblesse avalait tout, dans l'obscurité. Magnificat avait étendu son manteau. Son chant vide et silencieux longeait les murs, comme si un fantôme hurlait derrière la vieille tapisserie. Le visage déformé par l'horreur et le malaise. Son cri dépourvu du moindre son vrillait pourtant les crânes. Azalée était toujours debout, tenant toujours la dague d'une main, elle écoutait la seconde respiration qui hantait la pièce. Le souffle d'où provenait les deux faibles mots qui s'étaient perdus dans le silence. C'était une voix de jeune fille. Une jeune fille tout juste sortie de l'enfance. Pauvre petite chose égarée dans la noirceur du monde. Qu'était-elle venue faire ici ? Que cherchait-elle ? Tendant l'oreille, Azalée comprit qu'une averse diluvienne s'abattait sur le sol de terre, contre la toiture défoncée de la maison, dehors. Elle était venue chercher un peu de chaleur, dans le berceau de ténèbres. Mais il faisait froid ici. L'eau s'infiltrait à travers les murs, faisant peser l'humidité dans l'air tiède, et cette obscurité ne faisait que refroidir le tout. Ne permettant même pas de distinguer une lueur. La lueur des yeux de cette petite chose qui était venue se réfugier. Alors, dans des gestes lents et prudents, la mordeuse de chair refoulée s'accroupit au sol, lâchant doucement son chapelet contre le sol grinçant. De sa main désormais libre, elle attrapa le socle de la bougie et se redressa, toujours dans des mouvements au ralenti. Comme pour ne pas effrayer la petite chose. Le petit animal tapis dans l'ombre, qui n'osait pas se montrer. Azalée avança prudemment, suivant le second souffle, et finit par l'apercevoir, presque prostrée contre le mur.

Une odeur de salissure, de sang, de chaleur écœurante, lui emplit alors les narines. Des odeurs humaines, un parfum de crasse. Elle était tellement sale, elle avait l'air tellement faible. La bougie éclairait si peu.. Elle ne voyait presque rien, mais put distinguer ses yeux d'océan, et une cicatrice abject qui fendait sa joue. Sa chevelure de jais était trempée, elle se collait à son visage et dans son cou. Portait-elle des vêtements ?.. Cela n'en avait pas l'air. Sa peau était à nue, humide et blessée. Les iris perçantes d'Azalée devinèrent des petites plaies encore fraiches, d'où s'échappait du sang. Il avait un parfum différent du sien. Lorsqu'elle humait son propre sang, elle avait mal, voulait vomir. Lorsqu'elle humait un sang différent, l'odeur l'attirait. Lui brûlait la gorge. Mais sa gorge brûlait déjà. La brûlure sempiternelle. Ancestrale torture. Le Mal était toujours là. Il ne partait pas. C'était pour cela qu'elle priait sans cesse. Pour être sauvée de ce Mal qu'elle ne comprenait pas. De cette brûlure qui lui faisait mal. Tellement mal. Brûlure qui faisait craquer l'ossature de son dos, qui réveillait des douleurs dans sa mâchoire, et la faisait saigner des dents. Brûlure qui lui faisait voir des choses qui n'existaient pas, qui créait des illusions sanglantes et tellement attirantes, oppressantes. Sa gorge s'enflammait tandis qu'elle inspirait l'odeur de la petite chose. Elle était là, faiblement éclairée par le feu de la bougie. Ne bougeait pas.
Un peu hâtivement, Azalée déposa la bougie et son socle sur une vieille étagère, afin de pouvoir toucher et regarder la petite chose pleinement. Se plaçant dans son dos, elle commença à lui brosser les cheveux avec les doigts, cherchant les nœuds. Lorsqu'elle en trouvait un, elle le défaisait rapidement, tirant les mèches brutalement jusqu'à ce que le cœur du nœud meurt. Il y avait des nœuds partout. Dans ses cheveux, dans ses yeux, dans son ventre. Tout son être n'était que nœud. Tant qu'on ne le défaisait pas, il s'accumulait. Tant qu'on ne l'aidait pas, elle s'enfonçait dans son malheur. Alors Azalée continua de démêler sa chevelure raide. Inspiration. Ce même parfum de chair, de sang qui l'attirait tant. Parfois, elle apercevait la nuque frêle et abîmée de la petite chose, et une envie animale et violente la prenait. Mordre. Goûter cette chair, la déchiqueter, pour en laisser couler le liquide qui gorge chaque être vivant. Le Mal encore. Qui la taraudait, sans relâche. Pourquoi.. Pourquoi cette envie de chair. Elle qui avait si mal aux dents, qui sentait le feu dans ses gencives et sa gorge. Pourquoi ce désir de goûter à ce qui nous ferait du mal. Cette attirance vers le mauvais. Vers la souffrance, pourquoi prendre le mauvais chemin. Y avait-il seulement un droit chemin ? Une bonne route à prendre, un destin ? Fallait-il choisir une voie plutôt qu'une autre, dans le risque de prendre la mauvaise ? Non. La vie appelait au bon sens de l'Être. Ce bon sens, cette logique, cette vérité que l'on cherche à atteindre, ce ne sont que des choses subjectives. Se fier à soi-même, alors que l'on est la chose, la personne, la plus illogique, la plus insensée du monde. Une chose qui ment, qui se ment. Dans l'esprit d'Azalée, tout se mélangeait. Ses réflexions n'avaient aucun sens. Elle s'en rendait bien compte, tandis que ses doigts passaient toujours à travers les cheveux de la petite chose, qui restait silencieuse. Deux mots. Si peu de paroles, que deux simples mots. Pourtant les minutes coulaient comme de l'eau, comme la pluie qui s'écrasait sur le toit, inlassable.
Épuisée, de la brûlure, de ses blessures, de ses pensées qui partaient trop vite, Azalée lâcha les cheveux, les regardant glisser dans le dos de la petite choses. Une image lui revint alors en mémoire. Elle se voyait, elle, assise face à un grand miroir ovale. Avec ces même cheveux noirs et raides. Dans le reflet, elle apercevait un visage enfantin, à la blancheur presque angevine, aux prunelles grises. Derrière, passant lentement une brosse de nacre dans cette chevelure emmêlée, une voix familière chantonnait. Mélodie paisible, viscérale. C'était une femme, c'était Mère. Douce Mère aux prunelles grises, elle aussi. Un sourire simple, pourtant si profond, était venu peindre ses lèvres carmines. Ses lèvres qui se mouvaient, au fil de la petite musique qu'elle laissait passer. Dans ce souvenir, monstrueusement réel, Azalée n'avait pas mal au ventre. Elle ne se sentait pas lourde. Elle ne retenait pas de larmes salées, elle n'avait pas envie de se planter une lame dans les entrailles pour faire taire la douleur. Non. Elle était calme, sereine. Bercée par l'éternelle musique, que seule elle et Mère connaissait. Leur musique. Alors Azalée fermait les yeux, laissant Mère coiffer ses cheveux, laissant la mélodie entrer en elle comme un souffle nouveau. Une bouffée d'air, un air pur et frais, presque brûlant, qui enflammait sa poitrine et lui rappelait qu'elle vivait. Qu'elle existait. Tu es bien là mon enfant. Tu vis, et peut-être mourras-tu demain. Mais tu es là. C'était ce que Mère disait, déposant ses lèvres sur la joue de l'enfant, puis elle partait, silencieuse.

Les souvenirs. La mémoire. Il est de ces choses auxquelles on ne peut échapper. Mémoriser. L'esprit est marqué par certaines choses. Des moments, des sensations, qui restent à jamais quelque part en lui. Parfois même, invisibles, comme si cette chose n'était pas là, et ne causait aucun tord. Pourtant, elle est bien là. Tout comme les maux du corps, que l'esprit ne peut oublier. Parfois, comme défense, il l'efface, le cache. Mais rien ne pars, rien ne dort, rien ne meurs. Même enfoui au plus profond du cœur. Tout reste et tout demeure. Oublier est une chose absurde. L'on n'oublie jamais rien. Les mots, les images, les sons se perdent parfois dans les brumes de l'esprit. Il suffit juste de passer à travers. Non ?... Alors qu'attends-tu. Avance, ne reste plus devant ce brouillard qui a finit par obstruer même ta gorge et ton corps, créant des nœuds comme ceux que tu t'évertues à défaire. Avance, il te suffit de quelques pas seulement. Avance et regarde, lis sur les arbres morts, gravés dans les écorces, tout ce que tu as vécu mais que ton esprit a tenté d'effacer. Écoute le rire furieux des corbeaux, qui crachent ce qu'ils t'ont volé. Regarde les squelettes de ton passé qui dansent à la lune. Retrouve-toi. Creuse et retrouve ton propre cadavre, en miettes, os nécrosés, cheveux brûlés. Retrouve-toi. Tu es bien là, tu vis mais tu ne meurs pas.
Pas aujourd'hui.

Petite chose n'avait toujours pas bougé, tandis qu'Azalée s'était perdue, une fois de plus, dans l'océan noir de ses pensées. Ses doigts avaient machinalement commencé une natte négligée, qui laissait tomber des mèches de cheveux sur les épaules maigres de l'enfant. Elle revoyait l'image de Mère et d'elle. Se souvenant de la mélodie. Depuis le temps, la vampire refoulée avait vieilli, elle aurait pu avoir un enfant. Une petite chose, comme celle qui se trouvait juste là. Cette pensée fit se bousculer des larmes à ses yeux gris. S'agenouillant, ses mains saisirent le visage de la petite, pour le tourner vers ses yeux. Elle la regardait. Ces prunelles saphirs, dans lesquelles on ne pouvait plonger tant elles débordaient. Pourtant, elle essayait. Plonger, plonger. Avaler l'eau, lire entre les vagues. Mais elle n'y parvenait pas. Ses yeux à elle ne pleuraient pas, mais cela était tout comme. Dans la lueur de ses iris, Azalée pouvait lire les larmes, la douleur. La peur, l'angoisse. La frayeur du noir, tout comme la fascination pour lui. Le Noir, le Mal. La danse endiablée des deux vraies entités.


– N'aie pas peur, mon enfant. Près du Seigneur, il y a toujours de la Lumière.

D'une caresse maternelle, elle effleura sa joue. Celle qui n'était pas marquée par une cicatrice. Elle était tellement sale. Comme pour dissimuler, sous cette crasse, une beauté d'âme trop éblouissante, trop troublante. Trop poignante. Dans son petit corps abîmé sommeillait sûrement la force, le courage. Mais la peur pouvait forger tant d'armures. La peur, la panique. Panique. Une émotion néfaste. Froide, glaciale. Elle s'immisce, comme un poison, à travers les veines gelées. Elle s'étend, comme une fumée. Elle obstrue les respirations. Puis, cette horreur immatérielle, psychique, s'engendre elle-même. La panique engendre une autre panique, qui en engendre une autre. Cercle vicieux, qui mène aux crises de colères, aux crises de larmes. Aux violences physiques, retournées contre les victimes. Panique est presque une entité, elle aussi. Si puissante, et pourtant totalement insignifiante. Dans l'esprit, si envahissante. Dans le cœur, si pourrissante. Panique si possessive, finit par posséder un corps tout entier. L'enlaçant comme une seconde peau. Seconde peau, que l'on ne peut plus arracher. Vivre dans la panique. Alors panique laissera son trône à la paranoïa. Ainsi, petite chose en avait peut-être été victime. Pourquoi.. Ce même mot, cette même interrogation. Toujours la même. Elle allait à tout. On pouvait demander « Pourquoi ? » à tout. Car nul ne sait rien. Azalée glissa une main dans les cheveux de l'enfant, appuyant un doigt sur sa tempe. Elle gardait ses yeux plongés dans les siens. Nul ne savait rien.

– Connais-tu l'Adonaï, ma fille ? Il est l'un des Treize. Celui qui sent tout, voit tout, sait tout. Il est l'omniscient. L'ombre du Seigneur... Non, tu ne le connais pas ? Adonaï a les lèvres cousues, pour ne pas qu'il révèle le savoir ancestral du monde, de leur monde à eux, les Treize, et de ce monde sur lequel nous vivons toutes deux.

Elle continuait de passer le doigt sur la peau de sa tempe, en une caresse discrète et infime, cherchant toujours à passer dans ses yeux, à y plonger, pour lire en elle. Comprendre, savoir. Absolument tout. Comme le faisait Adonaï. Être l'ombre de l'enfant, comme lui était l'ombre du Seigneur. Elle voulait absolument savoir. Dans l'attente d'une réaction, Azalée fit glisser sa main dans son cou, griffant légèrement l'endroit sur lequel ses yeux s'attardaient. Attirant la violence de ses dents si douloureuses. Pourquoi.. Pourquoi cette envie. Cette envie qui projetait ce visage de pierre dans sa tête. Un visage humain mais bestial. Comme si un monstre tentait de sortir de sa bouche. Un monstre avide de chair. De sang. Ce sang dont l'odeur attirait tant la vampire qui s'était oubliée.


Même enfoui au fin fond du cœur, tout reste et tout demeure. Tu n'avances pas. Tant que tu n'avances pas, tu ne sauras pas. Tu ne connaîtras pas la réponse à ce « Pourquoi ? » qui résonne en toi comme un écho de désastre. Lève les yeux, vois ces nuages de feux de carnages. Leur poussière chaude, ne te dit-elle rien ? Te fait tousser, te permet de te rappeler. Écoute la. Lis dans ses cendres, ce qu'elle veut te faire comprendre. Avance. Avance et tu sauras tout. Reste là, et peut-être que la brume aura pitié de toi, qu'elle t'avalera. Tu deviendras un souvenir.
Maintenant, colle tes lèvres à son oreille. La petite chose t'entend, t'écoute. Parle lui, promet lui la lumière des iris blanches du Seigneur dont tu as oublié le nom. Promet lui des choses comme lui faisait, promet lui le salut, promet lui d'effacer la douleur. Demande lui de ne plus avoir mal, compose lui une ultime armure de désillusion et brises tes promesses. Fais ma douce Azalée, fais.


– Chante moi ton mal...
Comme cela. Susurre à sa peau de marbre brisé, fais la frissonner d'espoir à s'en rompre l'échine. Caresse la, offre lui la chaleur maternelle qui t'avais été donnée à toi aussi. Recompose la, reconstruit la. Pour mieux la briser ensuite. Promet lui. Promet lui de t'arracher le cœur pour elle, pour mieux pourfendre le sien. Fais lui oublier la poussière et la douleur. Fais lui voir le marbre de la force, donne lui la tienne. Promet lui tout, sauve la de sa souffrance pour mieux l'y replonger.
Cendres, haine, ma peau craquelle, j'ai tout détruit.
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MessageSujet: Re: Voragine, le Chant du Vide.    Voragine, le Chant du Vide.  Icon_minitimeDim 27 Mai - 14:25

La Douce Fleur resta muette. Elle fixait le vide comme le vide nous fixait. Elle se releva et je pouvais dans le Noir distinguer le sang qui glissait dans la paume de ses mains. Je le devinais. Chaud. Poisseux. Un liquide si rouge, si rouge et si délicieux. J’étais la goutte. Ses doigts dans la chair meurtrissait. Et moi, je sortais près de ses doigts si profondément enfoncés. Puis, ivre de liberté, je roulais. Je roulais sur sa peau. Réchauffant la peau, petite Goutte. Je glissais comme si de rien n’était. Sans encombre. Je glissais sur sa main, de plus en plus attirée vers le Bas. De plus en plus rapide. Si vite, si vite mon ami ! Je n’arrivais plus à m’arrêter à présent. L’ivresse m’avait perdu. Je pleurais à présent, sur sa peau blafarde. Je pleurais mon inconscience. Je priais aussi. Je priais qu’on me sauve encore. Espoir vain. La Chute. Longue, si longue… Je regardais le Bas se rapprocher. Irais-je au Céleste ? Avais-je une place auprès de lui ? Aucune chance. J’étais destinée au Bas, et je roulerais encore gaiement vers l’Insondable Noir. Et on se rira de moi. Et on contera ma débilité. Et on me prendra comme exemple pour les enfants. Sang de mon Sang, étais-je si différent ? Je n’étais pas plus rouge. Je n’étais pas plus grosse. Simple Goutte perdue dans un océan. Et la liberté m’était initialement interdite. Sachez mes amis que l’on interdit pas pour rien. Oh non, et je l’apprend à me dépends à présent. Dans ma dernière pensée, c’est la compagne, celle qui me suivait pour tout mais qui me lâcha, trop de liberté fais peur. Briser l’interdit est mal. Elle avait raison. Alors, Petite Femme, rappelles toi de ne jamais me suivre. Rappelles-toi de l’appel du Vide. Ma Chute touche à sa fin à présent. L’adieu est vain. On revoit toujours et même si je subirais dans quelques instants milles fracas, je renaitrais. Plus belle Goutte encore. L’adieu est vain quant le au revoir est déchirant. L’adieu est vain car tout est pensé. Il faut avoir mal, et je souffrirais. Je souffrirais de ma pulsion stupide. L’adieu et vain. L’adieu est vain. L’adieu est va… Je me tut dans un bruit tellement discret, presque inaudible. Je m’écrasais contre le parquet sale et grinçant. Une myriade d’éclaboussures microscopiques. J’avais mal, un instant. Puis je n’étais plus Goutte. Je n’étais plus rien, je n’avais plus d’existence. Pardonnez-moi ! Je veux Le rejoindre. Laissez-moi l’accès aux Cieux, je vous prie… J’étais une inexistence qui pleurait. J’avais si peur, j’avais si froid. Pitié, pitié de ma Folie ! Nulle rédemption pour la Petite Goutte. Il était bien trop tard pour cela. Bien trop tard. Je regardais de nouveau la Fleur de baisser là où elle était morte. Je l’ai vu, plutôt entendu poser quelque chose au sol. Un bruit légèrement métallique. Un son si fin… Je l’avais déjà entendu. Où ça ? Je… Je ne sais plus. Tu es faible et ton esprit, fébrile ! Prie pour ta sauvegarde.

Souviens toi… Mais rien. Le néant complet. Petite Fleur approchait. Je reculais. Et ce bruit qui résonnait dans mon esprit… Es-tu sûre de l’avoir ouï un jour ? Certaine. Significatif. Il réveillait en moi le souffle saccadée. La peur aussi. La peur de me tromper, encore une fois. Faible. Faible. Faible. Non ! Je ne suis pas faible ! Sortez, sortez de ma tête ! Alors que mon Intérieur se battait dans une lutte toujours aussi vaine, je restais prostrée contre le mur tandis que la Dormeuse avançait lentement. J’étais stoïque alors qu’une maigre flamme se tenait dans sa main. Je la regardais danser. J’avais toujours aimé le feu. Sensuel. La chaleur qui se dégageait était rassurante. Je fixais sa main qui avait cessée de trembler. La chandelle au cheveux de feu. La lumière vacillait. Elle se teinté d’or et d’orange. Elle ondulait comme une Perfection. Fascinée. Que pouvait bien ressentir une flamme ? Les yeux sur la Danseuse, je la voyais bouger avec grâce, léchant parfois le Vide, l’aguichant. Je l’imaginais plus grande, crépitant dans un coin. Je l’imaginais assez près de moi. Je l’imaginais sur moi. N’était-ce pas là la plus belle des morts ? Tué par la Femme des Cieux. Comment le savais-je ? Une vieille histoire, enfouis au fond de ma mémoire. Celle là était restée. Jamais elle n’avait disparue, je l’aimais trop. Je ne me rappelais cependant plus comment l’avais-je apprise, mais je la connaissais.  J’avais le savoir sans la Source. J’avais le savoir et c’était le plus important. Voulez-vous que je la conte, cette histoire ? Morbide petite Danseuse s’approche encore. Il ne reste que peu de temps avant qu’elle parvienne à moi. Oui ? Et bien, je commence donc.

Longtemps. Très longtemps avant nous. Il n’existait alors que le royaume Céleste. Que le Royaume du Puissante et de ses conseillers. Ils étaient Treize à lui porter la lumière nécessaire. Chacun avait une place bien définit, tant est si bien que parfois, l’ennui lui prenait de parler continuellement des mêmes choses aux mêmes personnes. Cependant, il n’osait rompre l’Equilibre de ce Monde déjà bien installé. Il n’y avait, sur ce Royaume, aucun divertissement. Tout amusement y était proscrit pour le bien d’un projet qu’il fallait mener de front. Et ce, depuis des millénaires. Le Puissant regardait par le balcon de son Conseil. Dehors, le soleil d’or et de rouge teinté brillait sur la prairie si verte, si vide. Les Conseillers étaient tous heureux car enfin, le Projet était aboutit. Ne restait plus qu’au Puissant le chantier. Ils avaient compté. Cela lui prendrait un jour et une nuit. Levé et couché. Il se reporta alors sur leur bons dires. Jamais Il n’avait été aussi las et fatigué. Il ne pouvait plus vivre dans ce monde de restrictions constantes. Rien, non rien n’était jamais dérangée. Tout avait une place, et tout y restait. Bientôt, Il espérait que cela cesserait. Il espérait que la Création aurait pour but de mettre fin à la monotonie des jours. Alors, dès que tout fut bien ficelé, Il s’attela à la tâche. Une nuit et un jour complet. Il suait, saignait mais qu’importe, il avait entre ses mains le chantier de la Liberté. Une fois sa tâche accomplie, il la regarda avec attention. C’était une Chose, une chose que l’on nomma Le Siège des Hommes. En effet, là-dessus courrait tellement petits des personnes sans pouvoirs aucun. Eux, pouvaient mourir. Oui, c’était bien la seule chose qui les distinguaient du Puissant et de ses Conseillers car ceux-ci les avaient façonné à leur image. Chacun portait en lui une infime par de chacun des Dieux. Le Savoir, la Croyance, la Puissance, la Réflexion… Tous pourtant étaient gris et monotone. Désespérant de sa condition, le Puissant, un beau jour, puisa la force. En une nuit, il façonna à sa guise une Chose. Une chose à l’extrême opposé de tout ce qu’il avait connu alors. Déraisonnée, Folle, Insensible. Et puis, il lui donna une apparence. Il ne voulait pas que sa Création Deuxième ressemble à quelconque de ses confrères aussi, il ne l’imagina avec des cheveux longs et ondulés, aussi garnit de rouge et d’or que le soleil. Il l’imagina svelte et gracieuse. Il l’imagina femme car, il ne connaissait personne ainsi. Première femme. Il lui donna en présent de vie, la chaleur brulante de l’Astre. Elle était pour lui celle qui briserait les convenance, et, entre autre, celle qu’il chérirait. Mais à trop vouloir briser les cases, vous vous doutez bien qu’un malheur bouleversa le cours de l’histoire. Il l’aimait, et ce, éperdument. Seulement, elle, ne vivait que pour briser tout les ressentit habituel du Puissant. Et lui, crédule, nuit après nuit la courtisait tant et si bien que l’Amour fit partit de sa vie. Alors, Femme, fit une chose horrible, une chose qui révulsa et brisa le cœur du Puissant. Une nuit, elle trouva chacun de ses conseillers. Ne sachant que donner pour compenser l’Amour du Créateur, pour le détruire, elle offrit à chaque Céleste son corps et son amour momentanément. Quand, le lendemain Il l’apprit, la colère s’éprit de lui comme lui l’avait fait pour la Femme Soleil. Il la convoqua et dans une fureur telle que l’on eu jamais vu, il l’envoya sur Le Siège Des Hommes. Il l’envoya en lui retirant toute forme. Elle n’était plus que l’éclat brulant du soleil, Danseuse du parjure. Ainsi, dit-on, que le feu arriva et que, a bien y regarder, on peut apercevoir la chevelure brulante de la Belle.

La Fleur était à présent face à moi, la Danseuse à la main. Elle m’observait, et ses yeux gris s’attardaient sur mon visage. Elle était belle, la Fleur. Elle avait l’air si douce, si douce et pourtant si mal. Malade. Blafarde, ses yeux trompaient une lutte presque semblable à la mienne. Et le bruit me revint en mémoire. Sûre que je l’avais entendu. Mais mes pensées me bloquaient son origine. Peut-être le savait-elle ? Peut-être pouvait-elle me dire ce qu’était la chose qu’elle avait laissé choir au sol. Tu délires. Elle ne dira rien, regarde ! Elle est aussi perdue que toi. Perdue ? Mais je ne le suis pas… Si, tu es perdue dans ta folie Petite. Regarde, te voilà contrainte de te raconter un conte de bonne femme. J’ai si peur… Aide-moi. La Goutte… La Goutte elle est…Morte ? C’est ça que tu veux dire Petite ? La Mort est une fatalité, la Peur t’habite. Sens-tu que je prends possession de toi ? Je sentais un sourire meurtrier oppressant en moi. La Force que j’abritais me terrorisait. Paralysée. Je te fais donc si peur ? Le sourire invisible s’accentuait encore, et mon cœur se serrait plus. Pourtant, je suis toi, je ne suis que toi. Puis la Fleur se glissa dans mon dos. Je frémissais. Qu’allait-elle me faire ? La question est plutôt, qu’est ce qu’elle ne peux pas te faire… Tais-toi ! Tu me fais mal à la tête ! Ainsi donc comment tu te traites ? Arrête de te gratter la peau Petite Chose ! Le sang coulait déjà sur mes avant bras mais je m’empressais de l’essuyer. Elle n’avait rien vu, du moins, elle ne laissait rien passer sur son visage blême. A mieux y regarder, elle était belle. Ses cheveux de jais me faisais penser à ceux de Monsieur. Si lisse et si noir… Elle était perdu, loin, au-delà du réel. Elle était dans son monde, où nul ne pouvait la suivre. C’est alors qu’elle leva la main. Automatisme. J’esquivais un mouvement mais la Tête m’arrêta. Stop ! Ne bouge plus. Ses doigts filèrent dans mes cheveux. Lentement, elle les fit glisser, encore et encore, chantant une petite mélodie distraite. Elle regardait tantôt le vide, tantôt ma gorge. Cette alternance douce et singulière. Les minutes filaient mais jamais je ne me lassais de sentir sa main défaire machinalement les nœuds. Un silence parfait, reposant. Seul le bruit de la pluie raisonnait encore dans la maison de Ruine, la maison des Fleurs. Moi, je touchais mon couteau. Je le caressais. Une pulsion du fond de mon ventre m’intimais de faire ce que je devais. Oui c’est ça Petite… Il faut te laver. Expie ton Mal, chasse le. Donne moi ton corps mon enfant, donne moi toute ta force…

La douceur des notes se volatilisa. Le Néant à nouveau et la panique repris. Que faisait-elle ? Non ne cesse pas de chanter, pitié ! La chaleur rassurante, envolée. A présent, c’était le marbre, à présent c’était l’oppression sanglante de ses yeux sur ma peau. Dans un mouvement rapide et délicat, elle se retrouva devant moi et ses mains si fines passèrent sur mon visage. Et ses yeux plongèrent dans les miens. Je la voyais chercher, chercher quelques unes des réponses. Qu’avais-je à lui offrir ? Le Vide. Tout simplement, ce que j’étais. J’étais l’ombre, j’étais celle que l’on ne voit pas, celle qui ne vit que par et pour quelque chose. Fille du Puissant, me disait-il. Fille du Puissant, je devais être totalement dévouée à sa cause. Je devais être son serviteur, je lui devais allégeance. Je n’avais pas de vie, j’étais sienne. Simple marionnette perdue, brisée… Mais la voix de la Fleur brisa le silence qui devenait pesant. L’Adonaï… Oui, je le connaissais mais je ses yeux m’incitaient à me taire. Elle parlait comme Monsieur. Elle employait le même ton entre la fascination, l’approbation, la haine et le Rien. Rassurante petite voix fluette.


-Chante moi ton mal…

-L’Adonaï n’a pas de limite dans son savoir. Il est l’omniscient et le Puissant ne se sépare jamais de son ombre. Il est le plus sage et respecté car l’Adonaï seul connait tout les secret. Malheur à celui qui arracherait une Vérité à celui-ci. Le Puissant chéri les ombres comme le Mal les âmes esseulées. En lui seul doit porter le culte car c’est en aimant le Puissant que le Dieu-qui-sait-tout vis. Le Puissant protège. Au commencement de la Vie, c’est l’Adonaï qui prononça son serment en premier. Il disait : « Moi, Adonaï, détenteur du savoir absolu jure fidélité au Tout Puissant, que sa Grâce illumine le Ciel des Dieux. Je refuse tout culte car seul la lumière de mon Maitre me satisfera. Je jure en ce jour ne jamais le tromper, car c’est du mensonge que l’on tisse ses erreurs. Aussi, je lui offre mon silence éternel en gage de ma loyauté. Puisse le Grand pardonner les pêcheurs comme il a toujours fait. ». Livre II verset 8.

Je me mastiquais la lèvre frénétiquement. Je l’avais tant de fois répété que la moindre faute me serait intolérable. Pourtant, j’avais, il me semble, restitué  ma leçon à la perfection. Je me souvenais les colères de Monsieur lorsque je me trompais. Lorsqu’il m’apprenait inlassablement. Trois Livres. Les Saints comme il les appelait. Je les connaissais tous, je savais tout ce qu’il fallait. Les mots n’avaient alors plus aucun secret. Monsieur aimait tellement que je les récite quand il me faisait mal ou quand il me ravageait. Oui, il aimait contempler avec fierté l’œuvre. J’étais son œuvre. Douce Petite, naïve que tu es. Il t’a abandonné et encore tu l’idolâtre. Non ! Il ne m’a pas abandonné ! Monsieur n’aurait jamais fait ça, jamais… Il m’aimait trop… La Fleur semblait surprise. Enfin, ses yeux trahissaient cela mais le reste de son corps restait impassible. Puis lentement, je m’assis sur le sol froid. Je ne pouvais plus tenir, j’avais commencé à citer les Saints, il fallait que je continue en me purifiant… J’attrapais ma lame et je levais des yeux mornes vers la Dame qui me regardait.

- Nul ne doit mentir au Seigneur. Nul ne doit calomnier. Nul ne doit se pourvoir de trop de richesses. Nul ne doit oublier de servir son Maitre. La femme doit aimer son mari. Tout les Hommes doivent entendre la voix du Puissant car il est notre Père et que nous lui devons tous une reconnaissance éternelle. La prière n’est pas suffisante pour expier ses pêchés. Le Grand est juste et nous devons nous faire pardonner à la mesure de nos blasphèmes.

Alors que je récitais frénétiquement les mêmes paroles, je faisais glisser l’acier sur mon corps entier sans broncher une seule fois. J’avais pourtant une envie folle de crier mais je ne devais pas. Ce serait encore un affront à Lui, avait dit Monsieur. Je ne voulais pas le décevoir, oh non, je ne voulais pas…

- Chacun doit aider l’autre à se faire pardonner…

Je tendais la lame rougie à la Fleur aux traits soudain tirés à l’extrême. Telle était la parole de Monsieur.
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